vendredi 16 octobre 2015

Je dis M

On était passé sans transition de l'été à l'hiver.
Le froid glacial nous avait pris de court et il avait fallu retrouver sans tarder tous ces bouts de laine pour s'y enrouler.

Ce matin-là, je suis arrivée au tribunal pour mon divorce comme à la mairie pour mon mariage : en retard.
Pour une fois, il ne me l'a pas reproché, m'a simplement suggéré de retirer mon chapeau devant la juge.

Tout est allé très vite.
Nous avons ensuite descendu lentement les marches, sans un mot, sans un regard.

Un café et quelques banalités plus tard, j'ai fait une photo de la Seine pour me souvenir de ce moment. J'ai hésité à balancer mon alliance dans le fleuve, avant de me souvenir que je ne vivais pas dans un roman de David Foenkinos.
Je suis rentrée à pied, frigorifiée.
Dans ma poche, mon portable vibrait de messages bienveillants.
Il y avait le sien, surtout :

"Ton regard, c'est celui dans lequel on veut se lover, corps et âme.

Il est fait pour les hommes, il ne peut envelopper un garçon idiot ou simplement aveugle.

Il te fallait un noeud manqué. Tu l'as. Défais-le sans tristesse, et sois certaine - en libérant cet espace intime mal occupé, que tu ouvres une place dans laquelle seuls des hommes, des vrais, d'intelligence sensible et de profondeur pourront se fondre, s'il ont la chance et le privilège de croiser ton chemin, et ton regard."


J'ai soudain eu envie de respirer à pleins poumons.

lundi 12 octobre 2015

La fille d'avril

Depuis l'intérieur de ce bar branché de mon quartier, j'observe le groupe de fumeurs à l'extérieur.
Je ne les rejoindrai pas, trop fière de mes trois semaines d'abstinence.
Se retenir de craquer pour une clope comme se retenir de lui envoyer un SMS alccolisé en fin de soirée.

Seule pour 7 minutes et les yeux dans le vague, je pense à lui.
A lui qui n'aura connu de moi que l'écorchée vive, la torturée, l'animal blessé.
La fille d'avril. Indomptable, sauvage et difficile.

Il était prêt à m'aimer, mais je n'étais prête qu'à en découdre.
Il m'aurait tout donné, mais je n'ai su que me cacher.
Je n'avais qu'à me laisser aller.
"Oui mais".

Maintenant que je ne suis plus là, il y a une lumière magnifique dans ses yeux : celle de la liberté dont je l'avais privé.
Je voudrais que plus personne ne la lui arrache jamais.

Je ne veux pas couper les ponts, juste m'en éloigner.