lundi 22 septembre 2014

On était tellement de gauche

Texte retrouvé dans les tréfonds de mon Mac, écrit il y a 1 an.
La vie de bureau et l'envie d'en découdre.



Je te déteste.
Je déteste tout chez toi : ton costume mal taillé, tes chaussures poussiéreuses, tes poils dans le nez, ton haleine chargée.
Je veux dire, comment fait ta femme pour supporter ça ?
Si en fait je sais : elle doit te tromper.
Quand tu l’appelles de l’hôtel Mercure de Rouen, tu penses qu’elle est sagement en train de regarder un documentaire sur l’industrie du tabac ou sur les quartiers chauds de Marseille, alors qu’en fait un amant l’attend dans ton plumard.
Peut-être qu’il a un rire moins gras que le tien, moins de pellicules aussi ?

Quand tu m’as convoqué il y a un mois, et que tu m’as encore appelé « mon vieux », j’aurais pu t’égorger. Attraper le cutter en plastique qui te sert à ouvrir ton courrier de directeur commercial et te le planter dans le cœur.
Ou te faire bouffer ta cravate à motifs, au choix.

« Julien, mon vieux, faudrait voir à être un peu plus réactif ».
Tout, dans cette phrase, me donne envie de vomir.
Mais j’ai abrégé cette conversation pour sortir au plus vite de ton bureau.
Ce boulot m’épuise, me révulse. Son absurdité me déprime.
Qui se souviendra d’un commercial en cosmétiques si une catastrophe nucléaire se déclenche ?
Qui parvient à être « motivé », « investi », « réactif » après 8 ans à enculer les mouches dans des bureaux gris, au beau milieu d’une zone industrielle sinistre ?
Qui a encore envie d’aller déjeuner le midi, quand il s’agit en réalité d’aller réchauffer un plat préparé et d’échanger des banalités avec des collègues dont on se fout ?
J’ai envie de hurler, de choper un mec de mon âge dans le métro et de lui demander comment il fait pour avoir cet air serein et reposé, ce qui cloche avec moi.

J’ai 35 ans et je suis en train de dériver.
Si je ne fais pas attention, dans 15 ans je serai comme toi. J’appellerai mes collaborateurs « mon vieux » et je me laisserai pousser le ventre.

Alors ce matin, je me suis dit qu’il était temps.
Que cette blague avait assez duré et que c’était une question de santé mentale.
Quand je me suis invité dans ton bureau, tu t’es raclé la gorge et j’ai eu envie de te cogner.
Et puis je t’ai tout dit : je t’ai dit la nausée et la fatigue, le mépris et la violence.
J’ai vu quelques gouttes de sueur perler sur ton front et un instant je sais que tu as cru que j’allais t’en mettre une.
Tu m’as demandé de me calmer, de me reposer, de prendre quelques jours.
Tu m’as parlé de promotion, d’avancement, de challenges à relever, de primes et d’augmentation.
Tu as pensé que tu pourrais me raisonner, m’amadouer avec des promesses.
Dans mes yeux vitreux et mes cernes grises, tu as vu du surmenage mais pas du désespoir.
Dans mon discours, tu as vu un ras-le-bol, mais pas une urgence.
Tu n’as pas compris que je me fanais.
Alors tant pis, je suis parti.

J’ai tout laissé en plan, mes dossiers, mes mails « urgents », mon agenda.
Je ne sais pas de quoi seront faits les jours à venir.
Mais sans toi dans mon champ de vision, mon horizon est plus lumineux, mes poumons se gonflent, mon visage se décrispe.
Dès demain, je me remettrai en mouvement et j’irai voir ici ou là si le monde veut toujours de moi.


mercredi 3 septembre 2014

Et mes fesses, tu les aimes mes fesses?

Je ne fais plus rien au bureau depuis des mois et pourtant mon patron vante mes mérites à qui veut bien l'entendre.
J'ai perdu 4 kilos et les hommes se retournent quand même sur mon passage.
Je ne supporte plus mes fringues mais les petites filles s'extasient sur mes robes et mes chaussures.
Je me trouve livide alors qu'il paraît que j'ai un petit bronzage sexy.
Toutes mes amies sont jalouses de ma silhouette.
Plus je suis mélancolique plus on me trouve forte, plus je suis triste plus on me trouve drôle.

Rien de tout ça ne me suffit. Je longe les murs, je me cache dans mon uniforme jean-t-shirt-talons, je m'arrange pour éviter les miroirs et les balances, je me compare à toutes les autres et j'en crève.

Je connais les mots qui pourraient tout changer mais je ne dois pas les réclamer.
Je cherche à lui plaire et à le charmer. Le temps fera l'affaire, peut-être.

lundi 1 septembre 2014

La nausée

Il m'a dit l'autre jour "Mais tu sais bien que Paris est un vrai bordel. On est tous malheureux, insatisfaits, tout le monde trompe tout le monde".
C'est vrai et j'observe, immobile, tout ce qui se joue autour de moi.
Mensonges par omission, trahisons, manipulation, solitude.
On est tous le connard de quelqu'un et on a tous son pantin.
Paumés comme on est, on ne sait plus quoi faire pour exister.

Il y a celle qui rappelle son ex tous les 15 jours sous des prétextes de plus en plus absurdes. Il ne faudrait pas qu'il passe à autre chose.
Il y a celui qui mate le cul de la stagiaire et qui pense à elle le soir en faisant l'amour "à la mère de ses enfants".
Il y a celle qui n'aime plus son mec mais qui refuse de le quitter (le tromper est plus confortable).
Il y a celle qui défile contre le mariage des vilains pédés et qui va à la messe le dimanche mais qui s'est inscrite sur Gleeden pour découvrir la sodomie dans des hôtels de luxe.
Il y a celui qui profite de la gentillesse et de l'amour inconditionnel qu'elle lui porte pour se laisser vivre comme un ado de 15 ans.
Il y a ce couple que je croyais sain mais qui ne l'est pas tant que ça.

Je ne suis finalement pas assez cynique pour mon époque.
Et puis allez tous vous faire foutre.

Another love

J'aurais préféré qu'il me quitte pour une autre.
J'aurais voulu qu'il tombe amoureux, j'aurais admis qu'elle était plus belle, plus désirable, plus mystérieuse.
J'aurais pris une cuite avec L. et en riant entre mes larmes, je lui aurais dit "bah forcément elle a des gros seins, je ne fais pas le poids", on l'aurait traité de pute et envisagé d'aller lui casser la gueule, ça m'aurait fait du bien.
Je me serais inclinée, je me serais retirée en pensant que c'est le jeu de l'amour et des rencontres, je pense même que j'aurais souhaité qu'elle le rende heureux.
Il aurait eu le rôle du salopard et j'aurais expliqué à mes amis que non, que ça aurait pu m'arriver aussi, qu'on n'est pas plus forts que la vie.
Je me serais sentie seule, moche et conne, mais pas plus qu'aujourd'hui.
Oui, j'aurais préféré.