mercredi 17 février 2016

Mon Roi

En 2016, dans l'est de Paris, ce n'est pas une tapisserie que Pénélope défait chaque nuit mais un début de roman.
Ulysse n'est pas parti à la guerre, il garde juste ses enfants dans sa jolie banlieue.
Il reviendra, il revient toujours.
Il lui enverra comme à chaque fois son petit rituel de diable, le décompte des stations de métro qu'il lui reste avant de monter les six étages.
Lorsque "Goncourt" s'affichera, le visage de Pénélope s'éclairera d'un sourire insolent.
La nuit sera belle et fauve, ils ne dormiront pas plus d'une heure ou deux et au matin, la main d'Ulysse embrassera celle de Pénélope une dernière fois avant de la lâcher.
Elle repensera à ce film, "Mon roi", et à Vincent Cassel qui ressemble quand même beaucoup à son Ulysse, à leur passion qui la laissera un jour exsangue.
Aux "Fais gaffe quand même", elle répondra des "Tu peux pas comprendre".
Il n'y en a qu'un, dans une autre jolie banlieue, qui sait à quel point Pénélope a besoin de trébucher et de s'égratigner.
Et il l'attendra, mais pas toute la vie.

mercredi 6 janvier 2016

Last night

"- Quelle est la différence, pour toi ?"
- Entre quoi et quoi ?
- Entre l'amour de sa vie et son âme soeur.
- L'un est un choix. L'autre ne l'est pas."




mardi 29 décembre 2015

Madame A.

Madame A. est sa femme de ménage.
Madame A. est coquette, volubile et très souriante.
Mais Madame A. a fait de l'ordre et de l'hygiène sa religion, alors elle fait un peu peur à Lovely M.

Lorsqu'elle me croisait le vendredi matin chez lui, on discutait, de tout, de rien, de politique, de la météo et de l'enfer de la ligne 13.
Elle me disait que j'avais bien raison de porter des jupettes, "à votre âge et avec vos jolies gambettes".
Elle m'aimait bien.

Et puis elle m'a croisée de moins en moins, jusqu'à ne plus me croiser du tout.

J'avais un peu oublié Madame A. jusqu'à ce 22 décembre, métro Anvers, où elle m'a hélée.
C'est une autre aujourd'hui que Madame A. croise le vendredi matin.
J'espère que celle-ci n'est pas comme moi, un papillon dans une robe à pois.
J'espère qu'elle l'effleure en virevoltant mais qu'elle saura se poser sur son bras.

lundi 16 novembre 2015

13-11-15

C'était un vendredi soir qui commençait bien, à la campagne, chez ma mère.
Comme toujours, elle nous avait préparé un dîner gargantuesque et à 21h30, mon frère et moi étions en train de terminer la bouteille de vin en déconnant, avachis dans le canapé, lorsque nos deux portables ont sifflé en même temps.
Sur nos écrans, le même SMS d'un ami commun : "Fusillade au Carillon, est-ce que tout le monde va bien ?".
La suite, ce sont les larmes, Itélé, Twitter et Facebook jusqu'à l'overdose, les centaines de SMS pour prendre des nouvelles des uns et rassurer les autres.

Alors maintenant, il va falloir continuer, sans trembler, parce qu'on est de ceux qui résistent.
Il faudra se balader en mini-jupe rue Alibert ou rue de Charonne.
S'embrasser à perdre haleine, sans se cacher.
S'enivrer aux terrasses des cafés.
Pleurer de rire.
Écouter du rock crasseux toujours plus, toujours plus fort.
Dire aux gens qu'on aime qu'on les aime.
Chérir Paris.
Jouir.

Lola, Stéphane, Pierre, Mathias, Marie, Guillaume et tous les autres : nous vous vengerons en continuant à foutre un magnifique et flamboyant bordel.


vendredi 16 octobre 2015

Je dis M

On était passé sans transition de l'été à l'hiver.
Le froid glacial nous avait pris de court et il avait fallu retrouver sans tarder tous ces bouts de laine pour s'y enrouler.

Ce matin-là, je suis arrivée au tribunal pour mon divorce comme à la mairie pour mon mariage : en retard.
Pour une fois, il ne me l'a pas reproché, m'a simplement suggéré de retirer mon chapeau devant la juge.

Tout est allé très vite.
Nous avons ensuite descendu lentement les marches, sans un mot, sans un regard.

Un café et quelques banalités plus tard, j'ai fait une photo de la Seine pour me souvenir de ce moment. J'ai hésité à balancer mon alliance dans le fleuve, avant de me souvenir que je ne vivais pas dans un roman de David Foenkinos.
Je suis rentrée à pied, frigorifiée.
Dans ma poche, mon portable vibrait de messages bienveillants.
Il y avait le sien, surtout :

"Ton regard, c'est celui dans lequel on veut se lover, corps et âme.

Il est fait pour les hommes, il ne peut envelopper un garçon idiot ou simplement aveugle.

Il te fallait un noeud manqué. Tu l'as. Défais-le sans tristesse, et sois certaine - en libérant cet espace intime mal occupé, que tu ouvres une place dans laquelle seuls des hommes, des vrais, d'intelligence sensible et de profondeur pourront se fondre, s'il ont la chance et le privilège de croiser ton chemin, et ton regard."


J'ai soudain eu envie de respirer à pleins poumons.

lundi 12 octobre 2015

La fille d'avril

Depuis l'intérieur de ce bar branché de mon quartier, j'observe le groupe de fumeurs à l'extérieur.
Je ne les rejoindrai pas, trop fière de mes trois semaines d'abstinence.
Se retenir de craquer pour une clope comme se retenir de lui envoyer un SMS alccolisé en fin de soirée.

Seule pour 7 minutes et les yeux dans le vague, je pense à lui.
A lui qui n'aura connu de moi que l'écorchée vive, la torturée, l'animal blessé.
La fille d'avril. Indomptable, sauvage et difficile.

Il était prêt à m'aimer, mais je n'étais prête qu'à en découdre.
Il m'aurait tout donné, mais je n'ai su que me cacher.
Je n'avais qu'à me laisser aller.
"Oui mais".

Maintenant que je ne suis plus là, il y a une lumière magnifique dans ses yeux : celle de la liberté dont je l'avais privé.
Je voudrais que plus personne ne la lui arrache jamais.

Je ne veux pas couper les ponts, juste m'en éloigner.